Pas question de laisser dormir une si juteuse licence, EA l’a bien compris. Et si le géant du jeu vidéo a souvent été montré du doigt pour ses adaptations dénuées d’intérêt, il est heureux de constater que l’œuvre de J.R.R Tolkien ainsi que la trilogie de Peter Jackson n’ont pas été trop malmenées. Disons que si l’on s’intéresse à la série des Bataille pour la Terre du Milieu, le résultat est tout autant flatteur que décevant. Basé sur une version avancée du Aurora engine, le moteur de Command and Conquer : Generals , le premier opus bénéficiait d’une plastique affriolante et de quelques mécanismes assez originaux, telle la construction de base à emplacements fixes inspirée de Kohan. Malheureusement le contenu et la profondeur stratégique manquaient à l’appel. « Qu’à cela ne tienne ! » s’écriaient les développeurs de EALA, et voilà que le Saint Graal Bataille pour la Terre du Milieu…II était annoncé. Je ne vais pas refaire mon test, tout le monde gardera le souvenir d’un jeu aguicheur, spectaculaire, plein de bonnes idées mais saccagé par un gameplay assis entre un éléphant et un âne, comme seul EA pouvait nous le faire (d’accord ce ne sont pas les seuls à réussir cet exploit).
Et voici donc que nous arrive une jolie petite extension, intitulée l’Avènement du Roi-Sorcier, qui ne demande qu’à se glisser sous le sapin de tout un chacun. Alors, alors, alors ? De quel genre est-elle ? De ceux à même de redresser la plus sombre des infamies, de ceux qui perpétuent le plaisir le temps de quelques heures encore, ou de ceux qui rajoutent quelques clous au cercueil ? Eh bien, un peu des trois, ma bonne dame !
« Tous s’inclinent devant la couronne de fer… » (Nazgûl décédé sur les champs du Pelennor)
Je vais faire simple, alors commençons par la campagne solo. Celle-ci met en avant la nouvelle faction du jeu, le royaume magique d’Angmar. Hmm, et là je sais que les fanboys de Tolkien ne peuvent que sautiller sur place, trépigner, suer à grosses goûtes, plongés dans une transe extatique…si,si, au moins ça. Bon je me permets d’expliquer aux néophytes le pourquoi de cette excitation.
La campagne se déroule 1000 ans avant les événements dépeints lors de la communauté de l’Anneau, une époque où Sauron n’est plus qu’un bien sombre souvenir. Le maître Anneau, pris de sa main par Isildur, semble être perdu à jamais. Les royaumes des descendants de Numénor ont connu une longue période de prospérité. Mais voilà qu’une ombre se lève au Nord. Un mystérieux individu, le Roi-Sorcier, dont seuls les sages connaîtront un jour son identité de Seigneur des Nazgûl et bras droit de Sauron , s’est installé en Angmar, une terre bordant la frontière nord du plus faible des deux royaumes dunedains, l’Arnor. Profitant de l’éclatement récent du grand royaume en trois parties, le Roi-Sorcier projette l’anéantissement pur et simple de la puissance numénoréenne du nord de la Terre du Milieu !
Je pourrais vous en faire des pages, mais voilà pour le contexte. Vous dirigerez les armées d’Angmar sur un total de 8 missions. Bah oui, ce n’est pas énorme même si cette campagne bénéficie d’une certaine qualité.
Pearl Arnor…
En fait, le gros avantage de cette campagne est de proposer des missions variées. A chaque mission, ses petites subtilités dirais-je. Sacrifiant un peu au réalisme et à l’esprit tolkienien certes, une des meilleures n’en est pas moins celle où vous devez abattre la tour d’Amôn Sul , tour protégée entre autres par plusieurs malhornes lui donnant des capacités bien spéciales, l’un invoquant des archers dunedains, l’autre réparant les murs de la forteresse … Il faudra donc décider quel arbre attaquer en premier, et tenir compte de leur capacités pour planifier son attaque.
Une autre mission vous demande de tenir un certain nombre de collines afin d’y placer des sorciers pour que ceux-ci puissent accomplir un rituel avant la levée du jour. Bref, même si je n’irais pas jusqu’à dire que le défi stratégique est insoutenable (loin de là même), les joueurs peu aguerris risquent bien d’avoir de bonnes frayeurs, car si l’I.A. n’est toujours pas un modèle de réactivité, les ennemis sont très agressifs et vous n’aurez guère de répit. Pas question de développer sa base « pèpère », il faudra être constamment sur ses gardes.
Alors, pourquoi est-ce qu’il parle d’une « certaine » qualité, le monsieur ? Merci de poser cette question cher lecteur, et je m’en vais vous répondre de ce pas…L’un des atouts des deux premiers opus était de proposer des batailles contre des cités monstrueuses, des structures assez hallucinantes telles Minas Tirith, le gouffre de Helm ou encore Dol Guldur et dans une moindre mesure Fondcombe. Ne cherchez pas de tels bijoux dans l’Avènement du Roi-Sorcier, il n’y en a pas. Attendez vous plutôt à des trucs pas très beaux du genre trois murs d’enceinte et la forteresse de l’Angmar encastré dans une falaise pour « symboliser » Cârn Dum, la place-forte du Roi-Sorcier. Arrghhh, oui, ça fait mal. Autant j’étais relativement emballé par la campagne, autant l’esthétique n’est pas au niveau de ces prédécesseurs.
Cosmopolitisme assumé
En tout cas, EA nous propose une armée bigarrée. Trolls de toutes sortes, orques, humains, loups et même spectres, il y en a pour tous les goûts. Fi du suspens, cette nouvelle faction est assez réussie, et propose un style de jeu assez lent, basé sur la montée en puissance, à la naine quoi. Quelques unités sont même de bonnes grosses saletés comme les trolls des neiges, une cavalerie lourde bigrement efficace. On note aussi avec joie la présence d’archers tout à fait efficaces, un vrai bonheur pour ceux qui ont connu les archers orques… De plus, cette armée possède deux originalités. Premièrement, l’infanterie de base est invoquée par l’intermédiaire de maîtres des esclaves. Vous achetez ces derniers dans la caserne de base, et une fois ceux-ci sur le champ de bataille, ils peuvent invoquer 4 types de troupes : infanterie, cavalerie, lanceurs de haches ou piquiers. Bon, l’avantage c’est de pouvoir en disperser un peu partout auprès de vos structures et de réagir selon le type de troupes adverses : « Ah, il arrive avec de la cavalerie, hop je sors des piquiers ! ». Le désavantage et ce qui fait la difficulté de cette faction est qu’il faut gérer le début de partie avec ces fameux maîtres des esclaves, polyvalents certes mais qui invoquent des troupes relativement faibles et qui ne peuvent pas recevoir d’améliorations. Contre des adversaires robustes, comme les nains, il faudra trouver l’équilibre et absolument les empêcher d’obtenir trop de troupes de qualité avant d’obtenir ces trolls et ces archers. Ah oui, dernier détail : si le maître des esclaves meurt, l’escouade rattachée disparaît. Eh oui…
Deuxièmement, l’Angmar dispose de sorciers. Attention, ce sont des gros faiblards, et ils ne devront jamais se retrouver exposés sous peine de mort imminente. Par contre, ils possèdent des sorts d’invulnérabilité, peuvent drainer la santé des adversaires et la redistribuer… Disons que les utiliser à bon escient demande un certain doigté et je ne vous cache pas que lors de mes premières parties j’avais bien du mal à leur faire faire quelque chose d’utile…
Alors voilà, l’Angmar est une faction rafraîchissante, pas si simple à jouer qu’il n’y paraît et qui souffre peut-être d’un certain déséquilibre en début de partie mais de façon globale la petite nouvelle est une réussite. Si je devais faire mon rabat-joie, je dirais que les trolls de cette faction sont beaucoup moins soignés en terme de design que ceux du Mordor et des Gobelins. Rahhh, c’est affreux, j’ai l’impression de refaire le test de Bataille pour la Terre du Milieu II : « oui…mais…oui…mais … »
Partez pas, j’ai encore des choses à vous dire !
Pour finir sur le chapitre contenu, parlons maintenant des fameux mini-héros. En traînant mes guêtres sur divers forums, j’ai cru comprendre que nombre de joueurs ne les utilisent pas du tout. Disons, que les inclure de façon parfaite dans votre plan de bataille demandera peut-être de remanier votre stratégie, mais je trouve qu’il serait dommage de s’en priver, ne serait-ce que pour leur aspect. Bah oui, c’est que les chevaliers de Dol Amroth, ils ont la classe quand même ! De plus il me semble que les orques noirs du Mordor apportent un vrai plus et permettent au Mordor d’avoir une infanterie plus représentative de sa puissance. On pourra toujours dire que cela rajoute au capharnaüm, mais pour une fois je trouve que ces mini-héros ne manquent pas de charisme et apportent eux aussi une touche de fraîcheur. Bien sûr que si personne ne les utilise, ils ne risquent pas de renouveler grand-chose, ahlala les joueurs…pardon.
Au chapitre des nouveautés, on note la refonte du mode « créer un héros ». Et ma foi, il y a aussi du bon. Bien sûr, l’existence même de ce mode met en péril l’équilibre du jeu, mais comme je le disais, BTdM II c’est du fun avant tout, alors osez, que diable ! En plus de nouvelles parures pour votre héros, vous pourrez maintenant avoir des trolls en choix de race, et ça, ça vous fracasse un derrière de mammouth ! Si, si, un troll c’est quand même vachement classe.
Mais bon la vraie nouveauté, c’est quand même la nouvelle évaluation du prix des héros, qui dépendra maintenant de la puissance et du niveau des sorts et capacités que vous lui allouerez. Il est donc possible de customiser son héros selon que l’on compte en faire un héros de début ou de fin de partie et même soyons fous…de milieu de partie ! Et hop, enfin un point sur lequel je ne dis rien de négatif. Bon, il faut reconnaître que ce mode reste un peu gadget …Rahh, j’ai failli dire du mal.
J’ai oublié quelque chose…
« Oui, voilà pour finir, parlons ensemble du mode « Guerre de l’Anneau », voulez-vous ? Vous êtes trop aimable. Un peu de thé peut-être ? » euh…donc je disais le mode « Guerre de l’Anneau » ? Et bien là aussi il y a du neuf, et des changements somme toute assez intelligents. D’abord, les unités sont dorénavant persistantes, c’est-à-dire que les unités sur le champ de bataille restent sur la carte, ce qui est quand même un gros plus pour un mode de ce type. Ca tient en une ligne, mais franchement c’est vraiment plus intéressant. Ensuite, on peut maintenant parcourir deux territoires conquis en un tour, et enfin un quatrième héros vient prêter main forte pour diversifier un peu les stratégies. Alors, non le mode « Guerre de l’Anneau » n’en est pas pour autant le jeu ultime mais, il en devient tout de même plus sympathique et peut maintenant donner un semblant d’organisation. Bah oui, fallait pas espérer monts et merveilles non plus…
Cette dernière phrase est un peu rude pour clore sur une extension de bonne qualité, mais il faut reconnaître que Bataille pour la Terre du Milieu II était par trop bancal pour atteindre le statut de référence. Il s’agit certes de l’un des meilleurs RTS de 2006, mais il faut bien comprendre qu’il doit cela à son esthétique, un plaisir de jeu réel , un contenu assez important, ainsi qu’à l’univers sublime sur lequel il repose. Pour ceux qui ont aimé, ce serait un crime que de ne pas se procurer au plus vite cette extension, si ce n’est déjà fait. Mais ceux qui sont restés hermétiques aux deux premiers opus, peuvent passer outre. Quant aux petits nouveaux qui voudraient s’acheter l’extension, plus l’original, je vous conseille de l’essayer avant pour bien faire son choix.