Command and Conquer Alerte Rouge 3

NOSTALGIE, QUAND TU NOUS TIENS…

Alerte Rouge constitue un monument dans le monde des jeux de stratégie en temps réel (STR). Dérivée du non moins célèbre Command and Conquer, cette série a, depuis sa sortie en 1996, fait pas mal d’heureux parmi les joueurs. La raison d’un tel succès provient certainement de son gameplay simple et efficace et de son scénario plaisant, à coup d’univers parallèle où Hitler aurait été tué par Einstein, le tout parfaitement mis en avant par des vidéos, choses inédites à l’époque, avec de véritables acteurs. Voici qu’aujourd’hui, 8 ans après le dernier opus (Alerte Rouge 2 : la Revanche de Yuri date de 2001… déjà !), Electronic Arts décide de déterrer l’ancêtre et de lui redonner un coup de jeune, comme il l’avait fait en 2007 avec son autre série à succès, Command and Conquer.

Derrière cette remise à neuf, que doit-on attendre de ce troisième opus ? Est-il à la hauteur des précédents ou est-ce l’épisode de trop ? A-t-il des chances de révolutionner le genre des STR ou accumulera-t-il la poussière sur votre étagère, une fois sa campagne terminée ? C’est ce que nous allons essayer de décortiquer ensemble.

LA GUERRE, C’EST POUR LES GARCONS…

Autant mettre fin de suite au suspense : oui Alerte Rouge 3 est un bon jeu qui devrait ravir tous les nostalgiques de la série. Oui, le gameplay particulièrement accessible du soft permettra aux nouveaux joueurs d’entrer les yeux fermés dans le monde parfois rebutant des STR. Mais non, le jeu n’apporte strictement rien de neuf au genre et favorise nettement ceux qui cliquent plus vite que les autres : les fans de stratégie ou d’innovations risquent donc d’être déçus ! Ceci étant dit, le jeu ne manque pas de qualités, loin de là. Car s’il ne fait que reprendre les vieilles recettes du genre, il le fait avec brio ! Revu de détails…

Tout commence à Moscou ! Les Alliés sont sur le point de remporter la guerre en assiégeant la capitale russe. Alors que tout espoir semble perdu, le Secrétaire Général Cherdenko, contre tout avis, décide d’utiliser la machine à remonter le temps mis au point par leur meilleur scientifique. L’objectif ? Tuer Albert Einstein, lui-même à l’origine de la toute puissance des alliés. Malheureusement, à leur retour dans le présent, si les Alliés, privés de la Bombe, ont du s’abriter en Angleterre pour résister à l’implacable avance soviétique, un nouveau venu, en la personne de l’Empire du Soleil Levant, a changé la donne et menace à son tour la Mère Patrie.

Ce scénario n’a rien d’original (la preuve, il s’agissait déjà de remonter le temps pour tuer Hitler dans le premier opus de la série) mais comporte suffisamment de retournements de situation (parfois tirés par les cheveux, cf la campagne Alliés) pour amuser la galerie. Sans compter que, grâce à l’utilisation toujours aussi jouissive, de vrais acteurs (dont certains bien connus), dans les vidéos de briefing, l’immersion est totale. Toutefois, il est à regretter un fort coté kitch,  frôlant à certains moments la série B américaine. Si dans les précédents opus, ce ton était volontaire et le trait poussé à l’extrême pour ajouter une pointe d’humour, il ne donne pas l’impression d’avoir été voulu cette fois. La faute aux « pouliches » utilisées, plus à l’aise quand il s’agit de vous montrer leur décolleté plongeant, certes généreux (LE critère de sélection ?), que par leur jeu d’actrice. Au moins, le message d’EA a le mérite d’être clair : la guerre, c’est pour les garçons qui en ont dans la pantalon… Sans commentaire !

A L’EST, RIEN DE NOUVEAU…

Restons dans le domaine des courbes aguicheuses pour nous pencher plus avant sur l’esthétique du jeu. Las, les développeurs ne sont pas allés chercher loin : ils ont simplement repris le moteur graphique de Command and Conquer 3 et l’ont un poil amélioré, surtout au niveau des effets spéciaux et du rendu, magnifique il faut l’avouer, de l’eau. Du coup, l’ensemble reste joli mais nous renvois près de 2 ans en arrière et risque donc d’accuser le coup face à la concurrence actuelle (Company of Heroes, toujours fidèle au poste) ou à venir (Dawn of War II et Starcraft II, pour ne citer qu’eux !). Afin que l’aspect vétuste de son moteur ne se voit pas trop, EA a abusé d’une astuce toute simple : empêcher la caméra de s’approcher trop prêt des textures, en bloquant son orientation haut/bas et en limitant le zoom, mais aussi, plus surprenant, le dézoom. Du coup, il est très difficile d’avoir une vue d’ensemble des combats et gérer une grosse armée de fin de partie tient du véritable exploit. Sans aller jusqu’au fameux zoom à la Supreme Commander, on aurait apprécier pouvoir prendre un peu plus de recul. Dommage ! Mais, le principal reproche que beaucoup feront à l’aspect technique du jeu est le choix des couleurs, particulièrement criardes et flashy, qui donnent au jeu un coté cartoon, très éloigné de l’ambiance réaliste prônée par Westwood en son temps ! Du coup, les Russes n’ont jamais aussi bien porté leur surnom de « Casaques Rouges ». Certains aimeront, d’autres moins. Enfin, que dire de la bande son ? Comme souvent chez EA,  la musique est de qualité : l’utilisation des coeurs de l’armée rouge renouvelle avec joie le repertoire. La reprise du célèbre thème de la série, « Hell March », n’est en revanche pas une réussite… Le tout est parfaitement complété par des effets sonores percutants.  De toutes façons, vu le rythme effréné des parties, vous aurez autres choses à faire qu’admirer les graphismes ou vous délecter des solos de guitare.

Cette volonté de faire du neuf avec du vieux se confirme tout au long du jeu. Ainsi le gameplay n’a quasiment pas changé depuis le premier opus, sorti en 1996 : vous disposez toujours d’un chantier de construction mobile qu’il s’agira de déployer dans une zone dégagée puis de construire grâce à lui des bâtiments spécialisés autour (caserne, port, tourelles, etc.). Certains vous donneront accès à un type d’unités (infanterie, véhicules, aéronefs, navires) tandis que d’autres vous permettront de débloquer des unités plus puissantes. Coté ressources, la même politique d’accessibilité est appliquée : vous n’aurez à gérer que les crédits, obtenus en convertissant du minerai dans vos raffineries, et l’énergie, produite par des centrales. En pratique, du moment où vous avez construit le bâtiment correspondant, leur gestion est quasiment automatisée. Cette simplicité a l’avantage de permettre de se lancer immédiatement dans la bataille, sans passer par la case tutorial, plutôt bien fait entre nous soit dit. Voilà pour le principe, déjà vieux de 13 ans.

QUOI DE NEUF, DOCTEUR ?

Heureusement, EA ne s’est pas contenté de cela et a apporté quelques améliorations, plutôt appréciables.

La première d’entre elle, est l’apparition d’une troisième faction qui vient s’immiscer dans la guerre éternelle entre Alliés et Soviétiques. Il s’agit de l’Empire du Soleil Levant, allusion flagrante au Japon. Le désign de leurs unités est en effet très fidèle à la culture nippone, avec des Robots à la pelle, des Transformers et des petites écolières cochonnes aux pouvoirs surnaturels. En terme de gameplay, cette originalité se retrouve dans leur façon de se développer. Ainsi, quand vous demandez à votre chantier de construction de fabriquer une caserne, celle-ci est produite sous la forme d’un drone que vous pourrez déployer où bon vous semble. Fini donc la limite de construction qui vous obligeait à placer vos batiments les uns à coté des autres.Tout ceci donne un certain cachet aux japonnais qui, grâce à cette originalité et à leur forte cohérence, dépasse les autres en sex appeal. Néanmoins, le maniement de leurs unités n’est pas des plus faciles : chacune ayant deux fonctions qu’il vous faudra tour à tour utiliser au mieux pour profiter de leur puissance.  C’est par exemple le cas des Striker-VX, tantôt hélicoptères d’assauts, tantôt plateforme mobile anti-air. On pourrait donc croire l’Empire du Soleil Levant pré-destiné aux pros des STR ! Il n’en est rien : la faute à un déséquilibre flagrant qui n’a que partiellement été corrigé avec les précédents patchs. Mais nous y reviendrons avec le multijoueur.

Cette nouvelle faction a au moins eu l’avantage d’entrainer une refonte partielle des deux déjà existantes depuis le début de la série : je veux bien sûr parler des Alliés et des Soviétiques. Si les deux factions étaient déjà asymétriques avant, les différences ont été ici renforcées ! Ainsi, chacune se parre d’un mécanisme de construction particulier : les Russes construisent directement leurs batiments en extérieurs, temps durant lequel les constructions sont très fragiles ; les Alliés, à l’inverse, les fabriquent dans leur chantier, puis les implantent dehors où ils seront très rapidement opérationnels. Les spécificités ont également été renforcées : les Soviétiques sont toujours aussi friands de la technologie Tesla mais, en contrepartie, sont dépendants d’un apport continu et massif en énergie. Les Alliés, préfèrent favoriser quant à eux, la rapidité de leurs unités et de leur cadence de tir, quite à ce que leurs unités soient moins résistantes. Tout ceci n’a pas empêché EA de jouer à fond la carte de la nostalgie en remettant au gout du jour tout l’arsenal propre à la série : espions, tank mamouth, chronosphère et la belle Tanya !

UNE FEMME A LA MER…

L’autre innovation majeure, mise en avant par les développeurs, consiste dans les capacités amphibies de nombreux bâtiments et unités. Loin d’être aussi révolutionnaire qu’ils le prétendent (Total Annihilation, dès 1998 avec son add-on, permettait déjà la construction de véritables bases navales), cette idée n’en reste pas moins très intéressante sur le plan du gameplay, enrichissant d’autant plus les différentes stratégies accessibles au joueur. Certaines cartes escarmouches ou missions de la campagne permettent ainsi de partir sur du tout naval ! Imaginez donc la tête de votre adversaire qui pensait pouvoir rusher votre base à coup d’infanterie ! On retiendra également, la mise à disposition de super pouvoirs, une idée piquée chez les voisins de Company of Heroes, qui apportent son lot d’effets spectaculaires, et surtout l’insertion de certains points clés de l’interface apportés par au monde du STR par le vénérable Total Annihilation : la touche alt permettant d’accumuler les ordres (on est tout de même très loin de ce qu’offre un Supreme Commander en terme d’anticipation) et la possibilité de créer nos troupes 5 par 5 en une touche.

Enfin, dernier ajout d’importance, c’est le fait que toutes vos troupes disposent d’une capacité/arme secondaire. Ainsi les chiens peuvent paralyser en aboyant très fort (???), les mitrailleurs russes lancer des cocktails molotov et les Robots Géants japonnais charger droit devant eux. Si, là encore, l’objectif est de varier les stratégies et apporter un coté micro (et le skill qui va avec) au jeu, cela ne pousse le joueur qu’à cliquer partout, sans forcement beaucoup de discernement. Dès lors, le jeu retombe dans les travers, déjà connus, des précédents épisodes: un coté bourrin et cliqueur fou ! Comprenez par là, que le plus souvent la stratégie cède sa place à la rapidité d’exécution.

Mais n’enterrons pas trop vite le gameplay de cet Alerte Rouge 3 ! Sa simplicité permet à n’importe qui, après quelques minutes, de se lancer dans des parties haletantes qui, certes, ne pousseront pas jusque dans leurs dernières limites vos chers neurones, mais vous défouleront à n’en pas douter ! Vu les nombreux effets d’explosions et autres, vos mirettes en prendront plein la vue et cela devrait suffire à beaucoup pour apprécier ce jeu nerveux et violent.

UNE HISTOIRE DE CAMPAGNE

Passons maintenant au gros morceau : les campagnes ! Autant le dire dessuite : c’est le principal atout du jeu ! Ceci tient principalement aux vidéos de (dé)briefing dont nous avons déjà parlé en début d’article et qui permettent un excellente mise en condition. Le scénario, lui aussi, s’il n’est pas génial, contribuera à l’établissement de cette ambiance si propre aux Alerte Rouge. Mais qu’en est-il des missions en elles-même, me direz vous ? Et bien, là encore, EA joue la carte du classicisme ! Entendez par là que vous retrouverez les habituelles missions d’infiltrations avec vos espions/Tanya, les protections d’un objectif pendant un certain temps et celles où vous devez tout détruire sans vergogne. L’ensemble reste suffisament varié pour ne pas lasser. Mais ce qui fait la force de ces campagnes, c’est également le talent des développeurs qui, grâce à l’abus de script, ont su insuffler un rythme épique dans chacune d’elle : votre QG sera régulièrement testé par des forces toujours plus nombreuses et variées. De même, l’attaque des bases ennemies ne sera pas toujours une promenade de santé (surtout en difficulté maximale) tant celles ci ont bien été conçues et regorgent de défenses en tout genre ! On appréciera également les nombreux objectifs principaux et secondaires proposés, avec à chaque fois, une extension de la zone de combat (encore une idée reprise de Supreme Commander).

Une des grandes nouveautés concernant les campagnes consiste dans la possibilité de faire chaque mission en collaboration avec un ami. Chaque mission voit ainsi le joueur assisté par un aide de camps qui pourra, de son coté, remplir un certain nombre d’objectifs. D’habitude, cet assistant est joué par l’IA mais en cliquant sur le mode « coopération », disponible au début de chaque mission des 3 campagnes du jeu, celui-ci sera pris en charge par un joueur bien en chair. Las ! Si le principe semble alléchant, il s’avère en pratique sans aucun intérêt puisque la difficulté de la mission n’est pas revue à la hausse pour autant. Pire : le plus souvent, le joueur qui incarne l’assistant, devra se contenter d’un rôle subalterne. Une excellente idée donc qui tombe malheureusement à l’eau par un manque d’investissement de la part d’EA.

Reste le multijoueur ! Celui-ci vous permettra de vous affronter jusqu’à 6 joueurs, lors de 3vs3 épiques,  sur une grande variété de maps. Là, le gameplay nerveux du jeu donne toute sa saveur dans des affrontements, le plus souvent courts mais intenses. Amusement garanti, surtout entre amis. Toutefois, pour se faire, il vous faudra accepter à accumuler les défaites les unes après les autres tant le jeu en multi est exigeant et, de part la vitesse du jeu, tant la moindre erreur coute chère. De plus, même à l’heure actuelle, prendre l’Empire du Soleil Levant, c’est accepté de partir avec un handicap par rapport à votre adversaire. De façon générale, l’équilibrage n’est pas encore tout à fait au point et certains abus se font sentir en partie. Enfin, il vous faudra vous armer de patience devant l’innomable interface multi vous permettant de créer/rejoindre des parties. Les fans de Battlenet, Impulse ou même GPGnet, me comprendront.

Les Plus

Les Moins

Appréciation globale

Tout au long de ce test, Alerte Rouge aura alterné le chaud et le froid. Chaud pour son gameplay bouillonnant, la nostalgie qu’il ne manquera pas de réveiller chez les plus accrocs à la série, son ambiance, sa réalisation, certes par mirobolante, mais largement suffisante et ses campagnes prenantes. Froid pour son manque flagrant d’innovations, son multijoueur en demi-teintes et son gameplay qui favorise trop les fous de la souris et non les stratéges. Pourtant, on retiendra de ce troisième opus, un jeu de bonne qualité qui saura satisfaire amplement les fans de la première heure, les débutants du STR et les amateurs de campagnes de qualité. Pour tous les autres, Alerte Rouge 3 ne présentera qu’assez peu d’intérêts, surtout devant la concurrence de qualité qui existe sur le crénaux très exigeant de jeux de stratégie… Toutefois, si vous décidez de l’acquerir, sachez qu’il vous faudra IMPERATIVEMENT une connexion internet pour pouvoir activer le jeu. Encore une fois, les systèmes anti-pirates se retrouvent à n’ennuyer que les honnêtes gens. Mais ceci est une autre histoire…