La Bataille pour la Terre du Milieu II

Le Seigneur des Anneaux : La Bataille pour la Terre du Milieu, le chef d’œuvre annoncé, faisait au final un bien piètre concurrent des ténors tels Warhammer 40 000 : Dawn of War ou Rome : Total War. Peu d’unités, mode stratégique inexistant (malgré cette magnifique carte qui laissait espérer tant de bonnes choses…), combinaisons tactiques réduites à peau de chagrin, EA se devait de revoir sa copie. Alors, le STR ultime « façon Tolkien » se cache t-il derrière le numéro deux ?

Un bien bel anneau…

La première chose qui frappe en lançant le jeu, c’est sa beauté. Le moteur, une version dopée du SAGE Engine déjà utilisé pour Command and Conquer : Generals et le premier opus de BfME fait toujours bon effet. Les cartes sont tout simplement magnifiques. Rien que la première mission, qui nous emmène du côté de Fondcombe, est un bonheur pour les yeux avec ses magnifiques cascades et ses sentiers légèrement escarpés. Si l’on peut trouver à redire sur la modélisation, en particulier des unités de petites tailles comme l’infanterie légère ainsi que sur certaines textures un poil brouillonnes, il faut bien le reconnaître : le spectacle est superbe. L’animation des unités est saisissante et voir un Troll d’attaque percuter une rangée de soldats ou une charge de cavaliers elfiques pénétrer une masse gobeline est quelque chose de…oui, assez merveilleux. Entre les effets de particules, les pouvoirs des héros et les unités qui virevoltent dans les airs avant de s’écraser lourdement, de ce côté-là, pas de soucis, l’ambiance est assurée.

Encore faut-il posséder une machine qui ne date pas de Mathusalem. Le premier opus était une catastrophe concernant l’optimisation, il ne fallait pas s’attendre à des miracles alors même que les développeurs annonçaient de « tous nouveaux effets » et « encore plus d’unités »…
De fait, même une bonne configuration aura bien du mal à tenir la cadence surtout lorsque les unités commencent à s’entasser et surtout à s’écharper. Alors certes, on peut toujours sacrifier un certain nombre de détails graphiques, mais la qualité est réellement détériorée par les basses résolutions. Alors pour apprécier un minimum la réalisation, le constat est sans appel : mieux vaut être bien « armé ».

De plus l’esthétique souffre de défauts agaçants. Par exemple, les ombres détaillées ressemblent à…comment dire ? Ah oui, voilà, à un amas de pixels plus ou moins noirs qui se meuvent en dessous des unités. Mieux vaut s’en passer, de toute façon libérer quelques ressources pour faire tourner la bête correctement ne sera pas du superflu.

Encore plus beau mais au moins aussi gourmand que son prédécesseur, voilà le constat global. Mais avouez franchement que, voir les grandes guerres de la Terre du Milieu s’étendrent sous ses yeux, ça n’a pas de prix (peut-être celui d’un Alienware flambant neuf…).

Dans les profondeurs de la Moria…

La réalisation étant fort sympathique mais non exempte de défauts, voyons ce que l’équipe de développement a concocté pour le jeu en lui-même. Passons rapidement sur l’interface : pas grand chose à dire. Peu encombrante et assez jolie, on notera entre autre le menu de construction qui apparaît sur la droite lorsque l’on sélectionne un bâtisseur, ce qui permet de ne pas quitter des yeux l’action.
Malheureusement, on note toujours l’impossibilité d’allouer plusieurs raccourcis à un groupe d’unités, ce qui après avoir passé du temps sur des jeux comme W40K fait fatalement défaut. Dans sa globalité donc, l’interface est toujours aussi discrète et agréable à l’œil mais toujours pas assez consistante en termes de raccourcis. Ce n’est qu’un détail mais les touches allouées aux raccourcis sont parfaitement imbitables, surtout au vu du nombre de capacités que l’on peut déclencher avec quelques héros sur le champ.

Par contre, la nouveauté se fait plus ressentir dans le contenu : trois nouvelles factions se présentent à nous pour un total de six vu que le Gondor et le Rohan en viennent à former une seule et même armée, celle des Hommes de l’Ouest. S’ajoutent les Elfes et les Nains pour les peuples libres et les Gobelins pour les armées du Mal.

Quelques modifications ont été apportées aux factions du premier opus avec plus ou moins de réussite. Je m’explique. Le troll d’attaque devient disponible indépendamment du troll des montagnes basique ce qui est quand même plus pratique et moins rageant que de voir ses trolls de montagnes s’effondrer sous les flèches alors qu’ils commençaient à atteindre un niveau sympathique. Les lanciers Haradrim deviennent des archers plutôt corrects et toutes les factions se voient dotées de différents navires sur lesquels je reviendrai plus tard.
Les nouvelles factions sont plutôt bien étoffées avec une armée elfique qui montre une effrayante rapidité et une puissance de tir abominable. (Hum miam, oh oui je les adore mes archers elfes…). Les nains font moins dans le détail en proposant des troupes un peu moins diversifiées et reposant surtout sur le corps à corps et les armes de sièges comme leur catapulte au pouvoir destructeur inégalé. Leur lenteur assez handicapante peut-être compensée par la possibilité d’utiliser leurs bâtiments producteurs de ressources comme des tunnels leur permettant d’aller instantanément d’un point à un autre. Enfin les gobelins allient unités rapides et énervantes en masse avec des poids lourds comme leurs géants. Eux aussi bénéficient de la capacité de se déplacer grâce à leurs tunnels. Ces trois factions sont toutes sympathiques à jouer et évitent l’écueil des unités copiées/collées d’une armée à l’autre.

Si je parlais plus haut de modifications quelque peu malheureuses, mon exemple phare se situe dans la gamme des héros que propose le jeu. Argh, j’en ai plus qu’assez de sortir le roi sorcier plus parce que cette unité a une classe énorme, que pour son potentiel. A peine plus puissant qu’un autre nazgûl ailé, le lieutenant de Sauron ne vaut dans l’état guère le coup et ce même avec la possibilité de combattre au sol.

Des héros sont bien évidemment disponibles pour les nouvelles factions et c’est ici que EA perd le contrôle de l’équilibrage. C’est du grand n’importe quoi. Le premier héros des nains, Gloïn, est sans doute le plus efficace et balaye des myriades d’unités à lui seul. Legolas et son cher père sont des monstres qui vous sulfatent à l’arc toute une armée. Les gobelins ne sont pas en reste avec Drogoth, un dragon que vous apprendrez à haïr quand il est de niveau 10 et vient vous souffler dessus. A propos des niveaux, il faut d’ailleurs signaler que seuls les héros montent maintenant sur 10 étapes, les unités ayant été ramenées à 5, un choix bien meilleur parce que de toute façon des unités, vous allez en perdre…

A trop vouloir en faire…

Une pléthore d’unités diverses et variées, des héros à ne plus savoir quoi en faire, mais il y a encore plus : souvenez-vous, le joueur peut aussi utiliser ses propres pouvoirs comme des tremblements de terre, des invocations, des bonus de production et j’en passe…
Oui c’est un immense fourre-tout et c’est là le principal reproche que l’on puisse faire au jeu, ce qui l’empêche d’atteindre des sommets.

Et pourtant les développeurs ont mis les bouchées doubles. Nouveau système de construction permettant de placer les bâtiments comme on le désire, construction de forteresse qui peuvent recevoir des améliorations pour devenir de véritables Barad-Dûr miniatures, batailles navales, ils sont partis dans toutes les directions. En même temps, au vu de la richesse de l’univers à leur disposition, ça peut se comprendre. Mais rien n’est réellement bien exploité. Déjà, les bâtiments doivent être en papier mâché alors gare au premier troll qui viendra s’asseoir dessus ! Non franchement, c’est à vous dégoûter de construire des fortifications. Et puis il faudrait aussi que les développeurs fassent attention à la cohérence de leur jeu. Voir des archers détruire des bâtiments en pierre m’a toujours énervé au plus haut point.

De même, les batailles navales ne servent pratiquement à rien. On a l’impression de voir des miniatures téléguidées qui se canardent en voguant à toutes pompes. A part créer des cartes avec des étendues d’eau, l’intérêt est nul.

Pourtant tous les ajouts sont loin d’être inintéressants. Le système de ressources, par exemple, est très réussi. Le joueur est forcé de s’étendre pour accumuler des richesses car les bâtiments fonctionnent à plein régime selon l’espace qui leur est alloué. Par exemple deux mines trop proches font chuter le rendement des bâtiments. Cet espace est matérialisé par un cercle à la base du bâtiment, cercle où est affiché le pourcentage de rendement de la mine selon l’endroit où elle est posée. Ce système empêche le joueur de rester cloîtré dans son coin et oblige les armées à entrer en conflit rapidement. Un très bon point pour le dynamisme des parties.

Quid des modes ?

Le contenu est donc bien là, pas toujours exploité correctement certes, mais un vrai travail a été accompli sur le jeu. De même, les modes de jeu ont été revus. La campagne solo, qui se déroulait à l’origine depuis la carte de la Terre du Milieu, a été remplacée par un classique enchaînement de missions. Huit d’entre elles forment la campagne du Bien et huit autres celle du Mal. L’enrobage de la campagne est plutôt réussi. Artworks sublimes pour ouvrir les cinématiques d’introduction, de fort belles cartes, l’habillage est donc de qualité. Jouer les batailles du nord, dans l’Eriador, avec des armées elfiques et naines, des conflits tant de fois imaginés et fantasmés par les férus de Tolkien, est quelque chose d’assez magique.
Mais (oui il y a beaucoup de mais), 16 missions en tout et pour tout, sachant que les premières se font toujours à la vitesse de l’éclair, cela reste bien court par rapport au premier opus. De plus, ces campagnes manquent d’un je-ne-sais-quoi d’épique et d’un réel travail de construction du scénario. Difficile de se sentir réellement impliqué. Au final, il eut peut-être même été préférable de conserver le système du premier opus, qui, s’il versait souvent dans la répétitivité, avait au moins l’avantage de proposer des campagnes plus longues.

On retrouve toutefois la carte de la Terre du Milieu, cette fois-ci dans un mode différent, mélangeant une partie tour par tour un peu à la Risk avec des combats temps réel. On contrôle des territoires que l’on fortifie, on déplace des armées pour s’étendre toujours plus et quand celles-ci se rencontrent on décide de régler le conflit soit en passant dans le module de combat soit en gérant le tout automatiquement. Soyons francs, on passe beaucoup de temps à faire des allers et retours avec ses armées pour éviter de se faire prendre tout un tas de territoires en douce pendant que l’on regarde ailleurs. Ca n’est pas du Total War mais avec un peu d’entraînement, on s’amuse bien et on peut même arriver à monter quelques petites stratégies même s’il est certain que les férus de wargame n’y verront peu ou pas d’intérêt. Ce mode se retrouve jouable en multi et en LAN.

En parlant du multi, on regrette l’absence de modes autres que les classiques escarmouches qui ne sont réellement intéressantes que contre un adversaire humain. En parlant d’adversaires, faites attention à tomber contre des joueurs de votre niveau, car encore plus que pour son prédécesseur, le grand mot est encore et toujours micro-management. Un joueur bien plus rapide aura tôt fait de vous envoyer ad patres. Faites particulièrement attention aux stratégies de rush que les joueurs les plus expérimentés ne manqueront pas de pratiquer. Cela peut en énerver plus d’un. D’autant que le jeu n’est clairement pas assez équilibré aujourd’hui pour proposer une solution efficace à n’importe quel type de joueur. Comme dit plus haut, la course aux pouvoirs et aux héros rend le gameplay bancal. Sans compter que EA a inclus un éditeur de héros permettant de créer ses propres personnages avec des pouvoirs et des aptitudes bien fourbes, ce qui est assez sympa mais rend une partie encore plus imprévisible. De même, les héros de l’anneau, Galadriel et Sauron, certes très jouissifs à prendre en main, sont capables d’annihiler tout et n’importe quoi en l’espace de quelques secondes. Pour jouer de la meilleure façon, il est sans doute plus intéressant de ne pas les utiliser (une option est prévue à cet effet).

En deux mots…

Alors certes non, Le Seigneur des Anneaux : La Bataille pour la Terre du Milieu II n’est pas le STR pour intégriste du multijoueur. Le côté spectaculaire du jeu, avec une multitude de héros, de pouvoirs et autres capacités rend le gameplay trop bancal, surtout pour un jeu qui repose avant tout sur la microgestion de ses unités et sur la rapidité d’exécution. Toutefois, ce deuxième opus n’en reste pas moins un bon jeu, un des STR les plus attrayants visuellement, parfait pour des batailles hautes en couleur en LAN ou sur le net contre des amis. Le contenu est là, la réalisation est de bon ton, seuls les patchs à venir diront si le denier né de EALA peut se perfectionner assez pour pouvoir se placer parmi les STR phares du net. Mais de ce côté-là, la réserve s’impose.

Les Plus

Les Moins

Appréciation globale