Commander Conquest of The Americas

Sorti l’an dernier, East India Company fait partie de ces jeux qui ne brillent pas par la profondeur de leurs mécanismes mais qui font tout de même leur effet. Au point de connaitre un petit succès parmi la communauté exigeante des jeux Paradox. Pas étonnant donc, que Nitro Games nous revienne aujourd’hui avec sa suite spirituelle, Commander : Conquest of the Americas. Commerce, diplomatie et batailles navales sont toujours au rendez-vous mais après seulement 1 an de développement, les améliorations apportées par le studio finlandais suffiront-elles à gommer les défauts de jeunesse de son ainé ? Serions-nous sur le point de découvrir une nouvelle perle vidéoludique, à défaut d’un nouveau continent ? Le chemin est encore long avant la côte…

Dès les premières minutes de jeu, il est évident que Commander : Conquest of the Americas marche sur les pas d’East India Company. Pourtant, Nitro Games a voulu démarqué son nouveau jeu de son prédécesseur, afin d’éviter une simple redite. La recette employée est assez limitée mais fonctionne à merveilles : à nouveau jeu, nouveau thème. Exit donc la route de la soie et la Compagnie des Indes. Place à une période qui résonne bien plus dans le coeur de tous les conquérants : la découverte des Amériques et la course effrénée vers leurs richesses qui s’ensuivit chez les Grandes Puissances d’Europe : Angleterre, France, Espagne, Portugal, etc. Première conséquence d’un tel choix thématique, la carte se concentre désormais sur le continent américain, depuis la pointe du Canada jusqu’aux côtes de Guyanes. Pour mieux vous plonger dans le décors, la campagne débute par une course poursuite : votre flotille de départ et celles de vos concurrents mouillent au centre de l’Atlantique et n’attendent que vos ordres pour coloniser le nouveau monde. Votre première mission sera simple : trouver un emplacement idéal pour fonder votre colonie. Et autant vous dire qu’ici, « premier arrivé, premier servi ». Il vous faudra donc souquer ferme pour ne pas ramasser que les miettes laissées par vos adversaires. En effet, il vous est impossible de vous implanter où bon vous semble : seules certaines zones, marquées d’une croix comme dans tout film de pirates (en réalité, deux outils croisés), sont constructibles. Il n’y a pas à dire, cette petite introduction est raffraichissante et vous immerge au mieux dans le thème. Il est toutefois bien dommage qu’à ce stade de la partie, toute la carte soit révélée. Oubliez donc la joie de découvrir au hasard d’une expédition les Caraïbes ou Terre Neuve. Pire, ce choix délibéré de gameplay vous permettra de connaitre à l’avance tous les emplacements des colonies ennemis. Encore heureux qu’un brouillard de guerre vous masque leurs mouvements. En soit, ce choix n’est pas gravissime mais nuit clairement à l’immersion et à l’intérêt d’explorer le nouveau continent.

On ne fait pas d’armes sans extraire du fer

Une fois votre colonie établie, le jeu peut enfin commencer. Il suffit de cliquer sur votre ville nouvellement créée pour rapidement voir qu’il vous est possible de construire des bâtiments qui viendront améliorer votre colonie puis, après la construction d’un chantier naval, de mettre à flot différents navires de guerre ou de commerce. Tout cela coute néanmoins de l’argent. Et si vous disposez au début d’une réserve de deniers plus ou moins confortable selon la difficulté du jeu, celle-ci ne saura vous suffire plus que quelques années. Il vous faudra donc, comme dans East India Company, commercer pour vous enrichir, ce qui est, rappelons le, l’objectif principal du jeu. Pour cela, chaque colonie produit une ou deux ressources de base, telles les peaux, le minerai de fer ou des plants de tabac. Ces différentes ressources peuvent être directement transportées par vos navires vers votre port d’attache ou améliorées sur place grâce à la construction de bâtiments de production puis vendues très chères en Europe. Ainsi, le minerai de fer peut voir son prix de vente multiplié par 5 si vous réussissez à le transformer en barres de fer puis en armes dans vos forges. A vous donc de trouver la ville (colonie ou port d’attache) où votre marchandise vous rapportera le plus de bénéfices selon ce que vous décidez de vendre. A vous également d’optimiser vos lignes commerciales afin de réduire au maximum les temps de voyage de vos navires.

Sur le papier, le système est à la fois simple et riche. Mais en pratique, la sauce a bien du mal à prendre. Le premier eccueil vient de l’interface bien mal fichue : tout y est éclaté en différents endroits et mal expliqué, au point que pour charger votre navire de soldats et d’une cargaison d’armes rutilantes, il vous faudra ouvrir trois menus différents. Le premier pour choisir votre flotte, le second pour gérer la population, militaire et civile, et le dernier pour charger le frêt. Histoire de vous faciliter la tache, même cette dernière opération ne se fera pas sans mal : l’interface ne permettant pas d’inscrire directement la quantité à embarquer de chaque élément, vous devrez le faire manuellement par centaines, par dizaine, et par unités. Soit 17 clics tout de même pour charger 89 tonnes de cigares ! Bien sûr, il vous faudra renouveller l’opération pour tout décharger une fois arrivé à destination. Imaginez-vous faire cela des dizaines de fois, pour chacune de vos colonies et chacune de vos flottes ? Heureusement, Commander : Conquest of The Americas propose un système d’automatisation très bien pensé. Disponible depuis n’importe quelle flotte, cet éditeur vous permet de programmer tous les trajets d’une escadre : les ports visités, les marchandises embarquées, celles débarquées, etc. Petite cerise sur le gâteau, si votre trajet comporte des anomalies (marchandises que vous auriez oublié de débarquer, par exemple), le jeu vous l’indique immédiatement. Une franche réussite !

Gestionnaires, passez votre chemin !

Autre défaut, toujours lié à l’interface : l’incapacité qu’a le joueur de savoir réellement où il en est : aucun tableau récapitulatif hormis un bilan annuel très succinct, aucune statistique digne d’intérêt, aucune aide non plus du côté du jeu ou du manuel (un désert d’informations soit dit en passant). Bref, les amateurs de jeux de gestion devront se fier davantage à leur flair qu’à des tableaux remplis de chiffres. Certains apprécieront, d’autres non… Du coup, vu qu’il lui est difficile d’avoir une idée précise sur la pertinence de ses choix, le joueur a rapidement tendance à tomber dans la facilité : prendre le premier bateau qui passe, le charger à raz et tout envoyer au port d’attache. La solution miracle ? Pas tout à fait puisque même ainsi, le joueur peut avoir des surprises. En effet, chaque colonie ne produit qu’une certaine quantité de chaque ressource par mois, quantité qui dépend du nombre de colons. Sauf que là encore, l’interface étant ce qu’elle est, n’espérait pas obtenir une valeur précise ! Il vous faudra faire au jugé, quitte à voir des navires partir à vide…

Vous l’aurez compris, l’aspect gestion du jeu souffre clairement de ces quelques défauts au point que de simple et riche, le système en devient juste… simple. Il ne manque pourtant pas grand chose pour réveiller le gestionnaire qui sommeille en nous : des bilans financiers plus détaillés, des prix de vente mieux indiquées, une variabilité des prix plus prononcée, notamment pour favoriser le cabotage, des bâtiments plus nombreux et plus variés, et un récapitulatif pour les flottes et les colonies. Beaucoup pourraient être corrigées par le biais d’un patch. Le dernier en date, au moment où nous écrivons ce test, a d’ailleurs commencé par faciliter l’affichage des prix de vente. Un bon point pour Nitro Games. Malheureusement, le plus gros point noir, l’interface, risque bien de devoir attendre une extension ou une éventuelle suite pour s’approcher enfin de ce qu’elle aurait du être.

Un bon concurrent est un concurrent… mort

Si Commander : Conquest of the Americas n’a pas vraiment la richesse d’un jeu de gestion, serait-il en réalité un jeu de diplomatie/guerre que l’on aurait habillé d’un peu de commerce ? La diplomatie est en tout cas un élément plutôt réussit, digne des jeux du genre. Vous pourrez comme souvent conclure des pactes de non agression, demander de l’aide lors d’une guerre et acheter les grâces d’un rival. Plus généralement, l’IA se montre très exigeante lorsque vous tentez de négocier avec elle. A l’inverse, elle vous proposera souvent des accords sans aucune contre partie ou vous vendra son stock d’huile de baleine pour une bouchée de pain. Et heureusement car, toujours en raison de cette interface mal pensée, il vous sera difficile d’évaluer si acheter son stock au prix proposé vous sera rentable. Commander apporte néanmoins une petite nouveauté bienvenue : la gestion des Indiens et autres arborigènes. Afin d’éviter les attaques intempestives, il vous faudra les amadouer en construisant notamment des missions.

Si la diplomatie venait à échouer, il vous restera toujours la guerre. Celle-ci prend exclusivement la forme de batailles navales, le jeu ne gérant pas les troupes à pied. Il vous faudra donc construire de gigantesques navires de guerre, les remplir de soldats armés jusqu’aux dents puis les envoyer à l’attaque des lignes commerciales adverses ou de leurs colonies. Là, le jeu bascule vers un mode STR où vous pourrez commander chacun de vos bâteaux. Cet aspect est clairement la plus grande réussite du jeu, tant les options sont nombreuses et les situations très tactiques : choix des boulets et des formations, abordage, gestion du vent… Tous les paramètres propres aux batailles navales sont gérés. Les pacifistes pourront néanmoins simuler les résultats des combats. Il leur restera encore tout le sel des guerres sur de si vastes territoires. Un véritable jeu de cache-cache où les grands stratèges pourront laisser parler leur talent. Le jeu y gagne en rythme et en intérêt.

Nous terminerons enfin ce test par l’aspect technique. De ce coté-là, Commander : Conquest of the Americas réalise presque un sans-faute. Nous n’avons ainsi eu aucun bug à déplorer, ce qui permet de se plonger sans retenu dans l’aventure. Mais le principal atout du jeu reste ses graphismes léchés qui, sans atteindre la perfection d’un Total War, vous flateront la pupille. Mention spéciale d’ailleurs aux batailles navales plus immersives encore que dans la série de Creative Assembly. Dommage que les musiques et les effets sonores ne soient réellement à la hauteur.

Les Plus

Les Moins

Appréciation globale