Crusader Kings II : Holy Fury

Crusader Kings 2 : bannière

Quasiment un an jour pour jour après la sortie de Jade Dragon, la précédente extension majeure pour le jeu de grande stratégie médiale Crusader Kings II, ce mardi le 13 novembre est marqué par une nouvelle parution de taille.

Cette fois-ci, avec un treizième contenu téléchargeable payant, intitulé Holy Fury, Paradox Development Studio font le choix de revisiter un volet fondamental du jeu, la religion. Ainsi, ce sont à la fois toutes les religions païennes et la religion catholique qui sont au cœur de cette nouvelle extension, avec notamment les loges de guerriers, les couronnements, la sainteté, les réformes des religions païennes ou encore le conseil des sages païens. Cependant, en un an de développement, les développeurs ne se sont pas strictement limités au domaine de la religion, et ont aussi fait le choix de développer des nouvelles options en début de partie, avec la possibilité de quitter complètement le domaine historique et à la place lancer des parties sur des cartes fictives avec les mondes aléatoires ou bouleversés. De plus, des lignées et la possibilité de contrarier ou influencer des personnages permettent de compléter le portrait d’une extension qui est la plus importante depuis la sortie initiale du jeu de base en 2012. Comme toujours, une mise à jour majeure parait également en même temps que l’extension, nommée cette fois-ci la 3.0, pour symboliser son ampleur, avec de très nombreux changements de la carte du jeu, un nouveau système des duels, une règle pour éviter les enclaves et surtout une refonte complète du système des croisades.

des mondes bouleversés et aléatoires qui permettent des défis inédits

C’était un défi de concevoir un telle fonctionnalité, en raison de son originalité et de sa nature qui tranche avec le reste du jeu qui a toujours été plus ou moins lié à une carte historique, mais Paradox l’ont relevé, et forte des expériences précédentes, avec par exemple le nouveau monde aléatoire dans Europa Universalis IV ou les départs symétriques dans Stellaris, l’équipe a réussi à donner une toute nouvelle dimension à Crusader Kings II, plus de six ans après sa sortie. Tout en gardant les bases centrées autour des personnages et des dynasties, les mondes aléatoires offrent aux joueurs qui connaissent déjà par cœur la bataille de Hastings ou l’Empire byzantin la possibilité de se retrouver dans un tout autre monde, méconnaissable par rapport à la réalité historique. Là encore, il y avait le risque de toujours se retrouver avec des pâles copies aléatoires des religions dans la vanille, mais en combinant cette fonctionnalité avec des nouvelles fonctionnalités religieuses et la possibilité de personnaliser chaque religion, les développeurs ont habilement évité ce problème.

Un exemple d’un monde aléatoire généré avec Holy Fury.

 

En outre de cela, avec les mondes bouleversés il est désormais possible de démarrer en tant que simple comte, sur un pied d’égalité avec tous les autres dirigeants (sauf si vous choisissez d’inclure trois ou quatre grands conquérants), et ainsi de se retrouver face à des nouveaux défis liés à une situation de départ totalement différente. Et en même temps, la possibilité de personnaliser et de tout configurer à son goût en tant que joueur demeure centrale, avec des dizaines d’options et de réglages de tous genres, qui permettent à la fois de rester sur des parties gardant les aspects historiques ou de partir sur du complètement aléatoire, avec ou sans casus belli spécifiques.

Des loges du guerrier qui poussent encore plus loin le concept des sociétés

Ajoutées dans l’extension Monks and Mystics et la mise à jour 2.7, les sociétés étaient avant tout tournées vers le domaine de l’érudition, ou l’intrigue, mais pas forcément liées au domaine martial. Dans Holy Fury, ce n’est plus du tout le cas, et même si chaque société de loges du guerrier reste unique à sa propre religion païenne avec ses caractéristiques propres, c’est le côté guerrier et du combat qui est central dans cet ajout. Donc après une énième mission consistant à construire une nouvelle église dans un ordre religieux, vous pouvez désormais avancer en remportant des duels ou pillant vos voisins. Cela permet encore une fois de mettre en valeur un autre style de jeu, et de vraiment incarner le guerrier païen, tout ajoutant de la saveur spécifique à toutes les religions païennes au lieu de rester limité aux Vikings. Ainsi, c’est la diversité des choix possibles et le nombre de différents événements de « saveur » qui rendent ce nouveau type de société intéressante, tout en faisant le lien entre les ajouts pour les duels dans la mise à jour gratuite et les occasions de duels que permet cette société, notamment pour la rejoindre.

Test de Holy Fury 1

Mon fils héritier rejoint avec enthousiasme la loge guerrière des Gardiens de la Lumière.

 

Un aspect dynastique renforcé avec les lignées

Une caractéristique primordiale de Crusader Kings II a toujours été le rôle de la dynastie, avec une continuité familiale et des héritages à sécuriser. De plus, le mariage joue aussi un rôle important depuis le début, car le choix d’une épouse ou d’un époux s’avère souvent très important pour l’avenir d’une dynastie. Avec les lignées, c’est cet aspect du jeu de base qui se retrouve renforcé, et ce qui auparavant était un simple trait pour les descendants du Prophète Muḥammad est avec Holy Fury une fonctionnalité généralisée à tous ceux qui réussissent. Le joueur pouvant désormais fonder sa propre lignée avec un personnage exceptionnel, il est toujours possible de collecter les lignées historiques par le mariage. Chaque lignée ajoutera également un bonus spécifique, donnant un avantage à ceux qui parviennent à en rassembler plus d’une à travers le jeu du mariage. En renforçant cet aspect, qui historiquement était central pour la légitimité des califes musulmans, et en permettant au joueur de se doter de sa propre lignée, les développeurs ont su lier l’historicité avec la possibilité de changer le cours de l’histoire, sans pour autant déséquilibrer le jeu avec des bonus qui restent raisonnables.

Test de Holy Fury 3

La lignée de Nge Zangtsa, un grand conquérant de légende dans le monde aléatoire visible dans la première capture.

 

De nombreux ajouts qui approfondissent des religions

Après l’avoir annoncé comme objectif principal de Holy Fury, les développeurs ont multiplié les fonctionnalités visant à améliorer et approfondir les religions païennes et catholiques. Pour les païens, en plus des loges du guerrier déjà évoquées ci-dessus, les ajouts importants qui permettent des réformes de religions personnalisées tranchent avec le système plutôt strict d’avant et sans le DLC. Les conditions demeurant les mêmes pour pouvoir lancer une réformation, ce sont les conséquences qui ont une tout autre ampleur. Le nouveau système permet ainsi au joueur de soit suivre une trajectoire relativement plausible avec des aspects prédéfinis de la nouvelle religion, ou de dévier complètement de celle-ci et la refonder à son image. En personnalisant la nature, les deux doctrines et la direction de la religion païenne réformée, il est par conséquent possible de rendre la religion germanique pacifique, végétarienne et non violente, ou de transformer une autre religion plus paisible en de redoutables guerriers assoiffés de sang. Grâce à de nombreuses nouvelles fonctionnalités religieuses ajoutées dans le contenu téléchargeable, d’innombrables combinaisons sont possibles. Même s’il y a le risque de se retrouver avec un léger déséquilibre entre une religion païenne puissante réformée en fonction des préférences du joueur et les religions monothéistes de base, l’idée de créer sa propre religion, qui devient de fait possible avec cette fonctionnalité, a longtemps été demandée, et ces ajouts vont ouvrir des nouveaux styles de jeu accompagnés de nouvelles stratégies. La conversion de masse ajoute une autre voie, et est une alternative intéressante à la réforme, à la fois pour trouver des alliés puissants et pour tenter un autre type de partie en tat que païen.

En complément de ces réformes, certaines religions païennes, dont les baltiques et africaines, vont disposer d’un nouveau type de succession dès le début de la partie, le conseil des sages. L’ajout de nouvelles lois de successions était attendu depuis longtemps, pour avoir des successions plus historiques et intéressantes au lieu de se limiter au partage salique, électif ou pas. Avec le conseil des sages, ces sages qui pouvaient jouer un rôle essentiel dans un royaume seront présents dans le jeu et offrent une nouvelle option successorale, plutôt intéressante. Un autre choix qui fait partie des ajouts pour les païens, qui est plus étrange et était moins attendu, est celui de la religion hellénique des empereurs romains, qui sera désormais jouable et pourra apparaître à travers des événements spécifiques. La préférence des développeurs de développer la religion hellénique, à la place de consacrer du temps pour par exemple retravailler, la religion orthodoxe qui manque cruellement de contenu par rapport à sa cousine catholique, pose un certain nombre de questions, et demeure un aspect plutôt raté de l’extension.

Le couronnement et l’importance symbolique du sacre ont historiquement été importants dans la construction de la monarchie et de son rôle à part, et n’étaient jusqu’à présent pas du tout représentés. Avec l’ajout d’un système poussé pour les catholiques, qui donne le choix entre plusieurs ecclésiastiques et des différents types de cérémonies, cette réalité historique est désormais aussi une réalité dans le jeu. Même si l’ont peut regretter le choix de ne pas créer des événements spécifiques pour par exemple le royaume de France, cette nouvelle fonctionnalité demeure plutôt réussite et permet de mieux restituer le rôle de cette cérémonie à l’époque. Et étant donné que le Pape s’invite, cela offre une possibilité de créer de la friction entre le Saint-Empire romain germanique et celui-ci, avec des choix parfois difficiles pour les empereurs s’ils veulent éviter trop de querelles autour de la question des investitures face aux exigences du souverain pontife.

Test de Holy Fury 4

Le couronnement du roi Philippe Ier par un prince-évêque de son royaume.

 

Pour les catholiques, il y a aussi la sainteté, qui fournit un nouvel objectif au joueurs qui veulent que leur personnage demeurent éternellement dans la postérité de la religion, et qui complète la religion catholique. Cette fonctionnalité ne s’arrête pas à la simple canonisation, elle est également accompagnée de modificateurs provinciaux, possibilités de pèlerinage et artéfacts spécifiques associés, qui ensembles rendent plus vivant le culte catholique et renforcent encore une fois l’historicité du jeu. Par ailleurs, les nouveaux événements pour les croisades, complémentaires avec la refonte gratuite, consolident cette partie du jeu catholique, et permettent d’orienter certaines croisades vers des cibles historiques. Les chaînes d’événements autour des croisades rendent aussi le monde des dirigeants catholiques plus vivants et permettent des nouvelles interactions, sans pour autant forcer la main du joueur et limiter la partie aux choix strictement historiques.

Influencer et contrarier, une tentative dans le domaine du jeu de rôle

Les nouvelles options de tenter d’influencer ou contrarier d’autres personnages auraient pu être une occasion de revenir vers le domaine du jeu de rôle, en ajoutant encore une couche de relations et d’interactions entre les personnages. Même si les événements permettent finalement de construire une relation personnelle entre deux personnages, sans pour autant toujours être les meilleurs amis ou des rivaux, il est plutôt facile d’améliorer les opinions, et quand l’action vise des vassaux, l’influence fait doublon avec action des conseillers, ce qui rend la fonctionnalité soit inutile soit peu équilibrée par rapport aux options qui existent déjà pour améliorer les relations. La possibilité de contrarier un personnage délibérément est cependant plus novatrice et complète ainsi les titres honorifiques peu flatteurs, mais elle est aussi sans trop d’utilité en dehors du jeu de rôle.

Test de Holy Fury 6

Le début d’une tentative d’influencer un autre personnage.

Un grand nombre de nouveaux portraits

Le choix d’encore une fois regrouper les aspects graphiques, et cette fois-ci les portraits avec les nouvelles fonctionnalités, peut sembler étrange, mais Paradox semblent assumer ce choix pour éviter de remplir la boutique Steam avec d’innombrables DLC. De toute manière, le très grand nombre de nouveaux portraits est certainement un atout pour Holy Fury, car même si les ajouts cosmétiques ne sont pas aussi importants que les nouvelles mécaniques, l’effort de la part des artistes responsables de  donner à chaque culture une série de portraits uniques reste impressionnant, et permet de mieux apprécier chaque détail d’un visage. En outre, les nombreux nouveaux vêtements décorent de façon encore plus poussée les portraits déjà existants.

Test de Holy Fury 5

Le nouveau portrait du roi Philippe Ier, un exemple d’un portrait enfant du pack de portraits français.

 

Les Plus

– Des mondes bouleversés et aléatoires qui donnent un nouveau souffle au jeu

– Des loges du guerrier qui diversifient encore plus les parties avec les dirigeants païens

– Des lignées légendaires qui accentuent l’aspect dynastique

– Des réformes païennes qui permettent au joueur de personnaliser, ou des conversions de masse pour choisir une autre voie

– Des couronnements, nouveaux événements pour les croisades et la sainteté qui approfondissent la religion catholique

Les Moins

– Du contenu pour la religion hellénique, sans intérêt historique pour la période, et pas spécialement intéressante par rapport aux autres ajouts

– Certaines problèmes d’équilibrage, comme les réformes païennes ou la possibilité d’influencer

Appréciation globale

Malgré le risque de se retrouver avec un véritable fourre-tout, à force de vouloir tout ajouter et de plaire à tout le monde, Paradox ont réussi à garder une certaine cohérence dans Holy Fury, et à la fois revisiter les bases et étendre le jeu vers des nouveaux domaines. Même si l’expansion n’est pas indispensable, elle demeure très réussite et permettra aux joueurs les plus fidèles d’investir encore des centaines d’heures dans de nouvelles parties. Le prix de 20 € peut paraître cher par rapport à d’autres extensions, mais vu l’ampleur des changements il est tout à fait raisonnable.