Blood Bowl

Prenez un peu de football américain, rajoutez une bonne dose de stratégie, arrosez généreusement d’hémoglobine, habillez le tout d’une ambiance héroic-fantasy et vous obtenez Blood Bowl. Une sorte d’OVNI vidéoludique assez éloigné des STR classiques que nous testons régulièrement dans nos colonnes. Ne vous fiez pourtant pas à son côté bourrin : déjà, lorsqu’il ne s’agissait que d’un simple de jeu de figurines, il affolait les méninges de milliers de joueurs. Aujourd’hui, Cyanide nous en livre une adaptation très fidèle sur PC et consoles en y ajoutant tout son savoir faire. Suffisant pour marquer le Touchdown ? Petite revue d’effectif.

L’elfe feinte la passe, contourne son imposant vis-à-vis, cherche un partenaire en position de marquer et…. SPLURCH ! Le ballon ovale rebondit mollement à coté de ce qui n’est plus désormais qu’un pâté d’Elfe encore fumant. Le Guerrier du Chaos, le visage autant illuminé par son sourire béat que par le sang fluorescent de sa victime, n’a plus qu’à ramasser la balle, sous le regard bienveillant de l’arbitre. Cauchemar d’un elfe sylvain ? Nouveau scénario d’un film d’horreur américain ? Non, juste une superbe action de jeu à Blood Bowl  !

Un ballon, un peu de sueur et beaucoup de sang !

Vous l’aurez compris, Blood Bowl, c’est un sport fictif imaginé au départ par le célèbre éditeur Games Workshop, déjà à l’origine de la licence Warhammer 40.000, et adapté aux PC et consoles par Cyanides, les créateurs de Pro Cycling Manager. Le jeu avait déjà été l’objet d’une première adaptation sous le nom de Chaos League, également développée par le studio parisien mais, devant le montant demandé par Games Workshop pour les droits de licence, ce premier essai n’avait pas pleinement exprimé son potentiel. Cyanide espérait se racheter et proposer aux fans du jeu original une adaptation à la hauteur. Son développement, qui a duré plus de 2 ans, a été réalisé en étroite collaboration avec l’éditeur de figurines mais également avec celle de la communauté très active du jeu de plateau.

Tout cela est bien joli mais comment cela se joue ? Largement inspiré du football américain, le Blood Bowl met en présence deux équipes de 11 joueurs qui devront, par n’importe quel moyen, amener un ballon ovale derrière la ligne d’en-but de l’adversaire. Une partie propose son lot de massacres en règle mais également de jeu collectif à coup de passes lumineuses et de prises d’intervalle dignes d’une finale de Superbowl. Là où cela se corse, c’est que chaque joueur a des caractéristiques et des capacités qui lui sont propres. Les premières, au nombre de 4 (force, mouvement, agilité, armure) indiqueront les chances qu’auront vos joueurs de réaliser une action. Les secondes leur donneront des avantages particuliers, voir des bonus lors la réalisation des dites actions. Ainsi, si les receveurs excellent dans l’art d’attraper une balle (mouvement et agilité élevés), ils ne valent en général pas un clou quand la bagarre éclate (force et armure faibles). A l’inverse, les gros costauds adorent planter les elfes en terre mais sont incapables de jouer le ballon. C’est à vous, le coach de l’équipe, qu’il appartient d’optimiser tout cela.

Le jeu proprement dit se découpe en deux parties : l’avant-match et le match. La première partie propose, un peu à l’image d’un Football Manager, de créer son équipe, de recruter des joueurs, de gérer une saison, etc. Commençons donc par la création de votre équipe. Le premier choix que vous aurez à faire, sera de déterminer quelle race parmi les 9 proposées vous allez prendre. Mais attention ! Ce choix va drastiquement déterminer votre stratégie tout au long de la saison. Par exemple, en choisissant les Elfes, vous pourrez gouter aux subtilités du jeu de passe, consistant le plus souvent à infiltrer plusieurs de vos joueurs dans la défense en attendant le moment opportun pour leur faire la passe du siècle. Avec les Skavens,vous pourrez compter sur leur vitesse extraordinaire pour faire tourner en bourrique la défense et passer la ligne d’en-but. Enfin, les Nains mettent un poin(g) d’honneur à taper sur la tête de leurs vis-a-vis sous le prétexte futile qu’il est plus facile de marquer quand 4 joueurs de l’équipe adverse sont morts, que 2 sont trop mal en point pour crier « Au secours » et qu’un dernier tente de vous échapper à cloche pied. Ces 3 stratégies différentes sont à la base du jeu. Mais chaque race disponible en propose une réinterprétation unique, selon ses points forts et ses points faibles, au point que le choix est vraiment difficile. Néanmoins, les débutants préfèreront la plupart du temps démarrer avec les Humains ou les Orcs, seules équipes capables de s’adapter à toutes les situations.

La taquetique des champs

Viens ensuite le recrutement de vos futures stars. Pour cela, vous disposez d’un budget important mais qui, vous le découvrirez à l’usage, ne laisse pas la place à l’erreur! Chaque achat devra donc être mûrement réfléchi. Dans le détail, les joueurs sont répartis selon différents postes (Big Guy, receveurs, coureurs, linebackers, assassin, etc.) mais seuls certains seront disponibles, selon la race que vous aurez choisis. Toutefois, avant de pleurer devant le peu de possibilités qui vous sont offertes, sachez que la répartition entre ces différents postes sera lourde de conséquence puisqu’elle modulera considérablement votre stratégie de jeu. La parfaite démonstration de cette maléabilité est incarnée par la race des Hommes Lézards, principalement composée des Skinks, des petites créatures agiles et véloces, et des Saurus, de gros bourrin bien résistants. Ainsi, plus vous aurez de Saurus dans votre 11 de départs et plus votre adversaire comptera les morts. A l’inverse, plus vous aurez aligné de Skinks, plus vous pourrez contourner sa défense et lui en faire voir de toutes les couleurs. Autre exemple : les Humains tirent, eux, leur capacité d’adaptation d’un large choix de postes qui leur permettra toujours d’avoir un joueur taillé pour la situation rencontrée. Attention donc au choix de votre roster (11 de départ dans le monde de Blood Bowl). Heureusement, de très nombreux sites vous en indiqueront les principaux, pour chaque race. Une fois vos joueurs achetés, il vous faudra choisir un nom pour votre équipe et vos joueurs, un logo et les couleurs de vos maillots, ou plutôt armures, et même imaginer une devise. Personnellement, je conseillerai à tous les nouveaux coachs nains celle-ci « Y’a pas de gentil, y’a plus de méchants… y’a que des morts ! ». Enfin, vous pourrez dépenser votre surplus d’argent dans l’achat de relances, pour vous affranchir au maximum du hasard, d’apothicaires, pour éviter que tous vos joueurs finissent à la morgue après le passage de quelques nains belliqueux, de pompom girls, histoire de se mettre le public dans la poche et investir dans la popularité de votre équipe. Plus celle-ci sera importante, plus vous aurez de spectateurs qui viendront assister à vos exploits et donc, plus vous gagnerez d’argent après chaque match.

Créer une équipe, c’est bien. La gérer au fil de la saison, c’est mieux. En effet, entre chaque match, vous aurez tout le loisir de recruter de nouveaux joueurs (Pourquoi pas le méchant Troll qui a envoyé ad patres tous mes gobelins ?) mais également d’attribuer de nouvelles compétences aux joueurs qui auront suffisament gagné en expérience. Ce petit aspect RPG est vraiment très plaisant; Il pousse toujours davantage à s’attacher à ses joueurs (jusqu’à ce que la dure loi du terrain ne les tue !) tout en revêtant une grande importance stratégique. Il faut dire que les compétences disponibles peuvent au choix, vous ouvrir la voie vers de nouvelles stratégies, ou, au contraire, accentuer encore vos points forts. Un autre aspect donc à ne pas négliger et qui à lui seul mériterait un article entier tant il enrichit le jeu. Enfin, cerise sur le gateau, il est possible de donner un petit coup de pouce au destin pour gagner le prochain match. Le Code de Corruption et de Triche de la Ligue Nationale de Blood Bowl autorise en effet d’utiliser au début de chaque match une partie de votre budget pour acheter l’arbitre, embaucher un Héro recompensé pour massacre sur la voie public, doper un poil vos meilleurs joueurs voir carrement demander aux attaquants adverses d’oublier le ballon en cours de match. Le tout sans aucune animosité mal placée, bien entendu. Toutefois, si sur le papier, ces options ajoutent un fort coté humoristique au jeu, elles peuvent parfois pourrir votre partie quand votre meilleur receveur se transforme en feu d’artifice au contact d’un Héro adverse. C’est le jeu, ma pauvre Lucette diront certains.

Dur dur d’être un coach

Passons maintenant à la deuxième partie : les matchs. Véritables coeurs du jeu, ceux-ci peuvent se dérouler soit en tour par tour soit en semi-temps réel (pause active) mais sachez que le premier offre clairement le plus de profondeur stratégique. Une fois dans le match, l’interface et la prise en main sont parfaitement à la hauteur au point que n’importe quel amateur de STR ou de Wargame se retrouvera rapidement en terrain famillier : il suffit de cliquer sur un joueur puis de lui donner un ordre en interagissant avec le terrain, la balle ou les joueurs. Ramasser le ballon, se relever après un coup appuyé, s’infiltrer dans la défense adverse ou taper sur un adversaire trop téméraire… Rien de plus facile. D’autant plus que de très nombreuses aides viennent vous indiquer le nombre de points de mouvement restant à votre joueur et donc les différents endroits du terrain où il peut encore se rendre, la difficulté à taper sur un molosse adverse ou les chances de réussir la passe du siècle. Pourtant, malgré cette prise en main rapide, vous découvrirez rapidement que vos joueurs ont la facheuse tendance à rater lamentablement la plupart de leurs actions. La faute à un manque cruel de transparence vis-à-vis des mécanismes sous-jacents déterminant la réussite ou non de vos actions. Afin d’éviter cet écueil, pensez bien à aller lire la 5e version des règles du jeu de plateau, celles-là même que Cyanide a utilisées pour son jeu.

A cela s’ajoute une difficulté propre au mode en tour par tour : les turnovers. Ce terme barbare indique la fin prématurée d’un tour, imposée par l’échec d’un de vos joueurs dans la réalisation d’une action. Il devient alors rapidement évident que, pour avoir une chance de gagner, vous devrez hierarchiser vos actions, non seulement en foncion de la tactique que vous avez élaborée, mais également en tenant compte des chances de réussites de chacune de vos actions, les plus risquées devant être jouées en dernier. Cette gymnastique peu aisée de prime abord vous demandera une bonne dizaine de partie pour vous habituer. En attendant, préparez-vous à voir systématiquement vos tours s’achever prématurément à cause d’une erreur d’appréciation. Autre écueil que les débutants subissent souvent, c’est la trop forte envie d’aller en découdre à coups de poing dans le pif, quitte à délaisser le ballon. Les parties se terminent alors en boucherie (pas toujours à votre avantage d’ailleurs) et surtout… par une défaite cinglante ! Car pendant que vous faisiez mumuse avec le faciès d’un trois-quart, l’IA en a profité pour vous planter deux touchdowns en une mi-temps. Et quand vient votre tour d’attaquer, vos troupes ont la fâcheuse habitude de tomber comme des mouches. Mais rassurez-vous : avec de la patience et un peu de persévérance, vous remarquerez rapidement de nets progrès dans votre manière de jouer. Peu à peu, vous apprendrez à évaluer les risques, à utiliser au mieux les compétences de chacun de vos joueurs, à établir une défense serrée et à mener à bout vos offensives. Puis viendra enfin ce moment de pure jouissance où vous gagnerez votre premier match. Dès lors, vous toucherez du doigt toute la richesse du jeu et ne pourrez plus vous arrêter de jouer. D’autant plus que la courbe d’apprentissage du jeu est quasi sans fin : chaque match vous en apprendra davantage sur votre équipe. Si vous arrivez néanmoins à vous lasser, il vous suffira de relancer une partie en changeant de race de départ pour, soudain, redécouvrir le jeu sous un angle nouveau. Cependant, à ce rythme, vous serez rapidement contraint de délaisser l’IA pour vous lancer dans des parties multijoueurs. En effet, si l’IA reste d’un niveau correcte, voir bon, elle a la désagréable habitude de jouer les différentes races du jeu, un peu de la même façon. Résultats, non seulement il suffit d’étudier un tant soit peu son système de jeu pour la battre systématiquement, même aux niveau de difficultés supérieurs, mais plus grave encore, cela réduit considérablement la diversité du jeu. Une petite faute de gout que Cyanide a promis de corriger… dans la prochaine extension/stand alone, prévue pour la fin d’année.

Puisque nous en sommes au chapitre des doléances, aussi bon que soit le jeu, il m’est difficile de passer outre deux ou trois petits travers du jeu. Outre l’intelligence artificielle et la difficulté globale, le pathfinding n’est pas toujours optimal et vous proposera de temps en temps des chemins alambiqués ou au contraire trop « directs ». Heureusement, il est très aisé au prix d’un ou deux clics de plus de faire passer vos joueurs exactement là où vous le vouliez. Rien de bien méchant donc. Autres petits désagréments, les temps de chargement assez long avant les matchs (1 à 2 minutes) et le manque d’options lors de la création de ligues privées. Dommage car le multijoueur, sans être révolutionnaire, permet de bien s’amuser que ce soit par le biais du « match making » (le ladder officiel) ou des très nombreuses ligues privées qui peuplent le net. A ce propos, la communauté est vraiment très accueillante. De nombreux tournois, ligues et autres animations sont régulièrement proposés. Il est même possible d’intégrer un programme de formation des nouveaux. On retrouve là l’héritage d’un jeu de figurines âgé de plus de 20 ans et toujours joué. Enfin, dernière critique, de taille celle-là : pourquoi ne pas avoir proposé dès la sortie  toutes les races (plus de 20) du jeu de base et les stades qui vont avec ? En tronquant ainsi artificiellement le contenu du jeu, ils en ont ôté une partie de son incroyable richesse. Heureusement, n’importe quel joueur aura déjà fort à faire avec ce que la boite de base propose. Toutefois, si ce test vous a donné l’envie de jouer au jeu, je ne peux que vous conseiller d’attendre la rentrée. En effet, Cyanide est en train de préparer Blood Bowl : Edition Légendaire où vous retrouverez toutes les races, une relecture des règles toujours plus fidèles, une intelligence artificielle optimisée, de nouvelles compétences et des stades inédits.

Finissons par la réalisation du jeu. Sur ce point, Cyanide s’en tire haut la main. Certes Blood Bowl ne vous décollera pas la rétine mais il reste très agréable à regarder et jouit d’animations très travaillées quoique que malheureusement assez limitées en diversité. Là par contre où le jeu en impose, c’est au niveau de l’ambiance. Entre le coté Heroic-Fantasy très fidèlement rendu, le côté cartoon assumé, l’humour omniprésent, la musique entêtante (dommage qu’il n’y en ai qu’une seule) et les bruitages de bonne facture, on se retrouve vite plongé au coeur du match, à encourager son joueur. Les commentaires font eux aussi mouches tant l’humour et l’univers du jeu y sont bien retranscrits. Malheureusement, ils sont régulièrement interrompus dès que l’action change ou que le jeu progresse. Ennuyant.

Superbe touchdown !

Après ce court mais intense survol du jeu, que faut-il retenir de Blood Bowl ? Que le jeu n’est pas à mettre entre toutes les mains tant il s’avère exigeant et finalement assez peu accessible. Mais pour ceux qui feront l’effort de persévérer, ils découvriront un jeu excessivement riche, très stratégique et à la durée de vie considérable. Surtout, Blood Bowl réussit l’exploit de vous entrainer dans son univers, violent et drôle, au point de vous entendre parfois vous exclamer à coup d’onomatopées lorsque votre Big Guy défonce le long museau d’une de ces saletés de Skavens ou d’avoir la larme à l’oeil quand votre meilleur joueur passe dans l’autre monde. Sans parler du frisson qui vous parcourra le dos à chacun de vos touchdowns. Cette ambiance prenante est renforcée dès que vous vous lancez en multijoueur : les sites de fans reprennent tout l’humour du jeu et proposent une myriade de ligues privées axées sur le fun ou le Roleplay. Une véritable réussite dont les quelques défauts ne peuvent lui porter préjudice.

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